Rencontre avec Frédéric Gonsalves, bibliothécaire à la Bibliothèque Municipale Mansart de Dijon

Tous les jours, parfois même plusieurs fois quotidiennement, en réalisant le chemin de mon domicile à l’IUT je passe devant la Bibliothèque Municipale Mansart en jetant un petit coup d’œil à travers les vitres car ces lieux ont toujours exercé sur moi un étrange pouvoir de fascination. C’est donc dans le cadre de la réalisation d’un devoir maison que je m’y suis rendu, poussant la porte de ce temple de la culture pour rencontrer Frédéric Gonsalves, bibliothécaire. En arrivant, malgré la fouille visuelle du sac imposée par le plan Vigipirate depuis les tristes attentats de ces dernières semaines, Frédéric a su me mettre tout de suite à l’aise en me demandant si ça ne me dérangeait pas que l’on se tutoie.

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Bonjour Frédéric, actuellement en 1ère année de DUT Information-Communication option Métiers du Livre et du Patrimoine, j’aimerais en apprendre un peu plus sur votre métier… vous êtes donc bibliothécaire ?

D’une manière générale, oui, je suis bibliothécaire. Cependant, d’un point de vue purement administratif, l’intitulé de mon métier n’est pas purement bibliothécaire. Je suis en fait ce qu’on appelle un Adjoint du Patrimoine, mais avec des responsabilités de personnel des bibliothèques de Catégorie B depuis 2002. Après mes études j’ai pu tout de suite effectuer quelques vacations avant de trouver enfin un poste.

En parlant d’études, quel a été votre parcours ?

Comme toi, je suis un « descendant » de l’IUT de Dijon. Les intitulés ont quelque peu changé, puisqu’à l’époque ma formation s’appelait le DUT InfoCom option MLC : Métiers du Livre et de la Conservation, où j’ai passé 2 excellentes années dans la promo 1999-2001. Il y a de ça quinze ans, j’ai eu la chance d’effectuer mon stage de fin d’étude dans l’établissement où nous nous trouvons. La chance a continué puisque peu de temps après être sorti de l’IUT avec mon diplôme en poche, mes actuels collègues cherchaient quelqu’un pour mettre en place, développer et s’occuper de la cellule vidéo de la bibliothèque. Alors qu’au départ ce n’était qu’une simple mission de 6 mois et la chance étant toujours de mon côté, j’ai réussi à m’intégrer assez vite dans le reste de l’équipe. C’était une époque bénie où l’on pouvait rentrer sans trop de difficulté dans les métiers de bibliothèque.

J’imagine qu’on ne se dit pas du jour au lendemain que l’on souhaite devenir bibliothécaire. Quelles ont été vos motivations ?

C’était un temps où j’étais un peu perdu et ne savais pas vers quoi m’orienter entre mes deux passions : la bibliothèque et le journalisme. Cependant je n’avais pas beaucoup envie de parler aux gens à l’époque, et pour moi le métier de bibliothécaire était plus intimiste et, même si je me trompais, je me voyais plus entouré de livres que d’articles de presse. Heureusement pour moi, la situation s’est inversée aujourd’hui et c’est maintenant moi qui prends l’initiative d’aller discuter avec mes lecteurs. L’amour des livres, cette passion commune qui unit les lecteurs, m’a beaucoup aidé à trouver cette ouverture indispensable à tous les bibliothécaires. Je voulais aussi toucher à différentes branches de la culture et ne pas me contenter d’un seul aspect. De plus, les nombreux partenariats avec d’autres établissements comme les écoles, les collèges, les lycées, nous font rencontrer des publics variés : c’est très enrichissant.

Vous semblez épanoui dans votre métier, et c’est encourageant. Si je vous demande de vous souvenir de votre plus beau moment professionnellement parlant, quel serait-il ?

Sans hésitation, je vous réponds de façon générale que c’est le quotidien. C’est un métier où la journée type n’existe pas. Chaque jour il y a de nouvelles demandes, de nouvelles attentes de la part des usagers. Après, si vous voulez vraiment un exemple plus personnel, plus identifié, je vous répondrai que l’organisation des sélections est un moment que j’apprécie dans ma vie professionnelle car on ne choisit pas POUR le public, mais AVEC le public, toujours en gardant à l’esprit que ce n’est pas MA bibliothèque mais que c’est NOTRE bibliothèque, et que sans le public, les bibliothécaires seraient bien tristes.

Dans notre formation, l’implantation du numérique et de l’informatique en bibliothèque est un point essentiel de notre programme. Pensez-vous que l’outil numérique soit une condition de survie sin qua non de la survie de la bibliothèque ?

À l’heure actuelle, la majorité des établissements sont passés par la révolution numérique, et ils ont bien raison. La bibliothèque qui resterait coincée dans son ancienne vision du métier est, elle, réellement en danger. Pour survivre, nous devons nous adapter à notre temps. Cependant, la révolution numérique a un coût, et toutes les bibliothèques ne peuvent pas se permettre de se moderniser rapidement. De plus, une certaine catégorie de personnel (majoritairement les plus âgés) a du mal à s’initier aux nouvelles technologies et campent sur leur position d’ « anti-numérique » alors que cela présente des avantages non négligeables.

Avez-vous été formé pour l’utilisation des ressources numériques durant votre formation ?

Oui, mais à l’époque, on était un peu à la traîne puisqu’on utilisait des outils informatiques du début des années 90. Il y a toujours un train de retard entre la formation et la pratique puisque les outils ne cessent d’évoluer. De même pour vous, les futurs bibliothécaires, je ne pense pas que les méthodes de travail dans 10-15 ans soient les mêmes que l’on vous a enseignées aujourd’hui.

Donc vous vous définiriez plutôt comme étant prêt à « passer le pas » sur la question du numérique ?

Absolument ! On peut même dire que notre région n’est pas mal développée sur ce point. On pourrait même dire qu’on est « en train de » puisque les ressources numériques via le portail Internet ne vont pas tarder à arriver. Nous avions aussi installé quelques liseuses pour les lecteurs, dans le cadre d’une période de test afin de voir si le public accrochait ou pas. Ce fut un succès non négligeable alors elles ne vont pas tarder à faire leur grand retour dans nos rayons. Une commande d’iPad est également en cours, car lors d’animations avec les enfants, l’interactivité leur permet de mieux accrocher à l’histoire et de ne plus être de simples spectateurs extérieurs à l’intrigue, mais de devenir parfois de véritables petits acteurs du scénario. Pour résumer je dirais que tout est dans les cartons.

Avec l’apparition du numérique, les bibliothèques risquent de changer comme on peut commencer à le voir dans certains pays d’Europe du Nord et d’Amérique du Nord. Comment imagineriez-vous les bibliothèques dans 15-20 ans ?

Les outils informatiques et la médiation numérique seront de plus en plus importants dans la liste des tâches du bibliothécaire. On peut craindre une disparition de l’aspect matériel : pour caricaturer, je dirais qu’il y aura de moins en moins de documents et de plus en plus d’espace. Cela pose alors le problème de la collection : que possèdera-t-on vraiment ?

Toujours dans le cadre de notre formation, nous avons étudié le programme des diverses bibliothèques de la ville de Dijon pour approcher l’aspect d’animation du métier. Comment ces animations sont-elles mises en place ?

Mon équipe et moi-même, nous choisissons les animations que nous souhaitons animer au sein de notre structure. Cela se passe en début d’année, lorsque les budgets nous sont attribués. Cependant je ne participe pas à toutes les animations de la même façon : sur certaines je peux être organisateur ou encadrant, et parfois je m’occupe d’autres tâches en bibliothèque pendant que mes collègues gèrent l’animation.

Les attentes doivent être très variées, n’est-ce pas ? Comment définiriez-vous vos lecteurs ?

En effet, les attentes ne sont jamais les mêmes d’une personne à l’autre, mais c’est ce qui fait la beauté de notre métier. Notre public n’est pas essentiellement composé de personnes âgées ou de jeunes scolaires, mais c’est un petit mélange formant un tout indéfinissable. Concernant la fréquentation de nos lecteurs, notre journée phare est le samedi puisque c’est en majorité le week-end qu’ont lieu les animations. Cependant, alors qu’avant on pouvait avoir une majorité de jeunes personnes le mercredi matin, maintenant ce n’est plus le cas puisqu’ils ne sont plus libres en cette période à cause de l’école…

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