Aujourd’hui, Bruno Menon, maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 8, a accepté de se prêter au jeu des questions/réponses. Fort d’un parcours principalement axé sur la recherche, le développement et l’innovation dans le domaine de la documentation, il nous fait part aujourd’hui de son expérience professionnelle.
Présentez-vous en quelques mots
Après des études de lettres et de sciences du langage, j’ai fait un troisième cycle (un DESS, qui correspond à un master professionnel d’aujourd’hui) en information-documentation à Sciences Po, à la suite de quoi j’y ai été recruté comme documentaliste. J’ai ensuite travaillé pour une entreprise française pionnière dans le domaine du traitement automatique des langues, tout en gardant des liens avec Sciences Po où j’ai enseigné pendant une quinzaine d’années. J’ai participé, en France, en Italie et aux États-Unis, à la conception et à la réalisation de nombreuses applications liées à la doc (indexation automatique, recherche d’information, gestion de données terminologiques, etc.), ainsi qu’à plusieurs projets européens de recherche et développement. Depuis dix ans, je suis maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 8.
Selon vous, quels sont les intérêts pour un étudiant d’avoir un enseignant qui est en même temps chercheur ?
Avec des pratiques et des usages en constante évolution, il est impératif que l’enseignement soit adossé à une recherche active. Et dans un domaine comme le nôtre, où la pratique, pourrait-on dire, précède la théorie, c’est cette activité de recherche qui permet de dégager les lignes de force qui vont structurer les enseignements et rendre ce champ intelligible. Pour la société dans son ensemble, mais en premier lieu pour les étudiants, futurs professionnels et pour certains d’entre eux futurs chercheurs. Je pense néanmoins qu’il est nécessaire d’avoir aussi des enseignants qui sont en même temps des professionnels, avec leurs savoir-faire et leur expérience de ce terrain dont les enseignants-chercheurs sont parfois un peu éloignés.
Quelle formation faut-il avoir préalablement suivie pour pouvoir intégrer ce Master ? Et à quels métiers, précisément, prépare le Master Gestion de l’Information et du Document ?
Le master professionnel spécialité « Gestion de l’information et du document » existe depuis 2005, mais évolue, change de nom, et devient à la rentrée 2015 « Gestion stratégique de l’information » (il s’agit officiellement d’un parcours au sein d’un master « Humanités numériques », la dernière réforme ayant modifié la manière dont les diplômes de master sont désignés…) Le master est ouvert en 1ère année aux titulaires d’une licence, quelle que soit la discipline : nous pensons qu’avoir une formation antérieure dans d’autres domaines que la doc est un atout pour débuter une carrière dans les métiers de l’information. Pour l’entrée en deuxième année, nous demandons une formation ou une expérience préalable en information-documentation.
Le master est conçu pour permettre aux étudiants de se positionner sur les fonctions information-documentation-veille-connaissances dans toute leur diversité : nous constatons bien sûr que de nouveaux métiers s’installent (comme document controller, community manager, content curator, knowledge manager, …) mais aussi que de nombreuses offres d’emploi portent des intitulés plus classiques : documentaliste, iconographe, bibliothécaire, archiviste, etc. Du reste dans ces différents métiers – dont certains peuvent même ne pas avoir encore de nom – les fonctions se recouvrent et s’entrecroisent bien souvent. Dès lors, l’enjeu est de préparer à un vaste éventail de métiers en essayant de dégager ce qui fait malgré tout leur unité. Pour plus de détails, je renvoie au site : http://www.humanites-numeriques.univ-paris8.fr
Selon vous, quels sont aujourd’hui les fondamentaux à acquérir pour être un bon professionnel de l’information/documentation ?
Culture informationnelle, techniques documentaires, connaissance de l’entreprise et technologies de l’information restent les piliers sur lesquels construire des compétences métier plus spécifiques. Remarquons au passage que ces bases relèvent à la fois des sciences humaines, des sciences sociales, et des sciences appliquées : peu de formations professionnelles ont ce caractère de multidisciplinarité. Et sur le terrain, les systèmes d’information où ces professionnels interviennent sont peu standardisés : pour des raisons historiques et organisationnelles, ils se développent de manière souvent idiosyncrasique. C’est pourquoi il me paraît intéressant que les professionnels soient familiarisés avec un point de vue méthodologique, épistémologique et critique sur les objets, les outils et les méthodes de leurs métiers, davantage que formés sur certains dispositifs particuliers.
Quels sont les principaux changements observés durant ces dernières années au sein des professions dans le domaine de l’information-documentation ?
Ce qui me frappe c’est à la fois la diversification du champ d’intervention des professionnels et l’élargissement des missions qui leur sont confiées. À côté d’un modèle où l’information primaire, sur papier, produite en dehors de l’organisation, devait être recherchée, acquise, et souvent traitée localement, dans une logique de stock, on a maintenant des dispositifs de toutes sortes, où l’information, essentiellement numérique, pérenne ou volatile, interne à l’entreprise ou disséminée sur Internet, doit être filtrée, reconfigurée, canalisée, validée, redistribuée, etc. Les professionnels prennent en charge la gestion des flux d’information sur tous supports, du papier aux réseaux sociaux en passant par les bases de données et le Web, mais aussi des tâches de conception, de modélisation et d’ingénierie des systèmes d’information. Ce qui demeure, c’est que ces configurations articulent toujours, selon différentes modalités, le trio document – information – connaissances.
Et enfin quels conseils donneriez-vous à des étudiants qui vont bientôt intégrer le monde du travail ou a de jeunes diplômés en recherche d’emploi ?
Saisir toutes les opportunités de se frotter au monde professionnel, au-delà des stages obligatoires pour le diplôme : ne pas hésiter à fréquenter les salons et les divers événements professionnels, développer leur carnet d’adresses et participer aux débats à travers les groupes spécialisés des réseaux sociaux ; le cas échéant, privilégier des jobs étudiants dans le domaine, voire donner un peu de son temps à des activités bénévoles dans le monde associatif. Nous mettons de plus en plus l’accent sur l’alternance, qui est à la fois un moyen d’apprendre, d’étoffer son CV, de nouer des contacts utiles, et bien sûr de financer ses études : dans notre domaine, c’est vraiment une option à envisager sérieusement.
Propos recueillis par Camille Delbray.